En ce début d'année 2013, vous êtes de plus en plus nombreux à nous faire parvenir des témoignages relatant votre vécu d'usagers de la ligne D au jour le jour. Vous nous faites part, dans votre immense majorité, non seulement de votre insatisfaction vis-à-vis du fonctionnement du RER D, mais également de votre inquiétude par rapport à l’avenir, car la situation empire de jour en jour.
Comme vous avez pu le voir, nous avons repris certains des témoignages reçus sur notre portail. Bien entendu, ils ont aussi été transmis au STIF.
Toutefois, pour ne pas en rester là, nous nous sommes essayés à faire un état des lieux de la ligne, vu du quai. Certes, il vous paraitra sans doute un peu long, mais cette longueur d’article ne fait que relayer un constat : le mal est profond, et ne pourra être résolu du jour au lendemain, et sans un immense volontarisme politique.

 


Premier constat : rien n’a été fait pour anticiper la hausse prévue de la fréquentation du RER D.

Vous le savez sans doute déjà : en 10 ans, la fréquentation du RER D a augmenté de 50%, pour un schéma de desserte sensiblement identique.
Pourquoi une telle augmentation ? C'est en grande partie le choix de l'aménagement de la région qui a été fait ces dernières décennies: développement des 2 agglomérations d'Evry et de Sénart, aménagement d'une importante zone tertiaire dans le secteur du Stade de France, densification des communes de petite couronne, création de nouveaux quartiers dans celles de grande couronne. Parallèlement à cette augmentation planifiée de la ligne, rien n’a été planifié pour permettre à la ligne D d’absorber cette hausse de trafic : le matériel n’a pas été changé, il n’y a pas de nouvelles rames commandées et les infrastructures de la ligne n’ont pas évolué depuis la mise en service du RER D en septembre 1995.

Est-ce que cela va continuer dans les prochaines années ? On ne voit pas comment il pourrait en être autrement. Les projets d'aménagement urbain sont très nombreux que ce soit au nord ou au sud de la ligne. L'objectif du Schéma Directeur de la Région Ile de France reste en effet de créer 70000 logements par an en Ile de France, il faudra bien construire ces logements quelque part et une part d'entre eux se trouveront donc dans la zone de desserte de la ligne D. Et il ne faut pas oublier ici de mentionner la création du stade de rugby de la FFR d'ici quelques années: une part importante des futurs spectateurs devra en effet transiter par notre ligne. C'est vrai que c'est déjà le cas pour le Stade de France, mais le transport des voyageurs se fait là via 3 lignes, RER B, RER D et Métro ligne 13. A Ris-Orangis, ce sera la seule ligne D (l'apport du tram-train Massy-Evry restera négligeable) et il faudra mobiliser de nombreuses rames pour effectuer de longues navettes Paris - Juvisy - Orangis-Bois de l'Epine.

Résultat : l’infrastructure de la ligne ne permet pas de faire rouler plus de trains sur le RER D en heure de pointe

Le point de saturation le plus connu sur la ligne D est le tunnel entre Châtelet-Les Halles et Paris-Nord. Ce tunnel à 2 voies, une par sens, partagé entre les lignes RER B et D, voit en ce début 2013 passer 28 trains par heure et par sens en pointe, 20 trains de la ligne B et 8 de la ligne D (non compris quelques circulations sans voyageur comme quelques trains ZECO allant commencer leur service à Paris-Gare de Lyon). En décembre 2013, le retour à la desserte D12 (12 trains par heure et par sens sur le nord de la ligne D) ramènera ce trafic à 32 trains par heure et par sens, comme il l'était déjà jusqu'à fin 2008.
Ce tunnel n'est malheureusement pas le seul point de congestion de la ligne. On peut par exemple citer les sections de ligne suivantes:
- la section entre Paris-Gare de Lyon et Pompadour (au sud de la gare du Vert de Maisons) où les 2 voies affectées à la ligne D ont par moments beaucoup de difficultés à faire passer 16 trains par heure et par sens en pointe (il faut en effet tenir compte des arrêts dans les 2 gares de Maisons-Alfort - Alfortville et du Vert de Maisons)
- le secteur de Villeneuve-St-Georges avec la convergence des trains venant des branches Melun et Corbeil
- de la même façon, le secteur de Grigny - Juvisy avec la convergence des trains venant des branches Plateau (Evry - Courcouronnes) et Vallée (Ris-Orangis) sur une seule voie
- la gare de Corbeil-Essonnes où les croisements des diverses missions provoque l'arrêt d'un certain nombre de trains à l'approche de la gare
Les gares ne sont pas mieux loties. Beaucoup ne sont plus adaptées au trafic qu'elles supportent et posent des problèmes de sécurité dès qu'il y a un peu d'affluence: Châtelet-Les Halles, Maisons-Alfort - Alfortville, Villeneuve-St Georges, ...
Il ne faudrait enfin pas oublier les passages à niveau. Ceux-ci ne sont que 2 au nord de Corbeil (Grand Bourg et Beauvoir à Evry), mais sont très nombreux sur les branches Corbeil - Melun et Corbeil - Malesherbes. A ces endroits, les flux de voitures croisent les trains, ce qui impose un comportement responsable de la part des conducteurs de véhicules routiers, mais aussi une sécurisation renforcée des dispositifs. Les accidents routiers ne sont pas rares (bris de barrières), les déclenchements d'alertes de sécurité non plus. Aucune suppression n’est prévue après celle du PN 19 à Mennecy…

Autre conséquence : l’insuffisance de rames sur le RER D.

Comme expliqué ci-dessus, malgré l’augmentation de la fréquentation sur le RER D, il n’y a pas eu de renouvellement du matériel ni de commande de rames supplémentaires en anticipation de la hausse de fréquentation.
Résultat :
- les trains majoritaires sur le RER D, à deux étages (aussi connus sous l’acronyme Z2N), n’ont pas été conçus pour de telles fréquentations, et les déplacements à l'intérieur des trains sont assez difficiles: il suffit pour s'en convaincre de regarder le remplissage d'un train aux heures de pointe: les plateformes sont plus que pleines, alors que les couloirs des salles ne sont occupés que par quelques personnes debout. Dans certains cas extrêmes, il peut même rester des places assises inoccupées.
- Il n'y a pratiquement pas de réserve disponible en heure de pointe. Si un train tombe en panne, s'il refuse par exemple de démarrer le matin, ou si une fonction de sécurité (par exemple, les écrans permettant au conducteur de surveiller la fermeture des portes en gare) est signalée en défaut, on ne peut pas en changer. Et là, c'est la voie directe vers la suppression de train. Par contre, même en plein hiver, le chauffage n'est pas une fonction de sécurité, l'absence de chauffage dans tout ou partie de la rame n'empêchera donc pas un train de rouler. L'absence de réserves suffisantes se fera d'autant plus sentir si quelques rames sont retenues en maintenance suite à des dégradations. Une collision qu'elle ait lieu avec un heurtoir ou avec une horde de sangliers nécessite au moins un retour en atelier pour vérifier le fonctionnement de la rame, et si nécessaire une immobilisation le temps de la remise en état.
- il reste toujours un certain nombre de rames Z5300, inox à un seul niveau. Datant de la fin des années 60 et du début des années 70, les petits gris sont maintenus en vie parce que si on les mettait à la retraite, le parc des lignes D et R ne suffirait alors pas à assurer le service d'un jour ordinaire.

Des évolutions très limitées à court terme, malgré une hausse continue de la fréquentation de la ligne

Tout se conjugue pour que la décennie se termine avec un chiffre de l'ordre de 700000 personnes transportées par jour : augmentation du prix de l'essence, saturation des infrastructures routières (qui rend les déplacements en voiture de plus en plus difficiles), développement des communes desservies par la ligne, qu'elles se trouvent en petite ou en grande couronne, développement des zones d'activités, etc. Or, l’offre restera assez similaire à celle d'aujourd'hui. En résumé, le calvaire n'est pas près de s'achever !
Comme le disait un des anciens directeurs SNCF de la ligne, aucune amélioration nette n'est à attendre d'ici 2020.

Les aménagements sur les infrastructures restent minimes :
- pour Paris-Pompadour et plus généralement Paris-Villeneuve, la fluidité va être un peu augmentée par une modification de la signalisation à venir fin 2013. Sans autoriser le passage de nouveaux trains, cela devrait réduire les bouchons aux heures de pointe, moyennant une réduction de la vitesse de circulation des trains. A plus long terme, des modifications de toutes les voies de ce secteur sont prévues pour permettre le passage de davantage de trains, tant Grandes Lignes que Transilien.
- en gare de Corbeil, un quai supplémentaire en cours de construction devrait redonner un peu de latitude dans l'exploitation des voies et donc éviter une partie des arrêts avant l'arrivée en gare
- au nord sur Paris - Villiers, une modification de signalisation, similaire à celle au sud sera également réalisée en 2013 et 2014
- enfin des modifications dans les terminus en particulier à Goussainville permettront de mieux gérer les trains qui repartent dans l'autre sens.
Côté gares, quelques-unes vont être réaménagées, notamment pour les rendre accessibles aux personnes à mobilité réduite (en particulier par l'installation d'ascenseurs). Dans la plupart des cas, ceci ne les rendra pas davantage pratiques pour les personnes valides, en particulier parce que les quais resteront ce qu'ils sont... à part qu'il faudra quand même soustraire l'emplacement des ascenseurs. Cette action ne sera menée que dans les gares les plus fréquentées, et à condition que l'adaptation puisse être réalisée (à titre d'exemple, la gare de Villeneuve-St-Georges ne semble pas pouvoir être adaptée en raison de la largeur des quais actuels: la seule solution serait une reconstruction de la gare, à condition de pouvoir gagner de la place en largeur. Sur le parking côté Seine ?).
Autre problème, les passages à niveau, qui sont encore plus de 30. Le dernier à avoir été éliminé a été celui de la gare de Ris-Orangis il y a une dizaine d'années, le prochain est celui de la gare de Mennecy, et ce sera pour 2014. A ce rythme, le dernier passage à niveau de la ligne devrait disparaître dans 3 siècles... La disparition des problèmes liés à ces passages n'est pas pour demain, ni même après-demain.

En termes de gestion du matériel, la situation n’incite pas à plus d’optimisme :

A court terme, il faut trouver des trains supplémentaires, ne serait-ce que pour assurer la desserte prévue à partir de décembre 2013 !
- 12 éléments Z2N devraient être transférés de la banlieue Est (où ils seront remplacés par des rames de type "Francilien") vers notre ligne au cours des mois prochains
- au-delà, à partir de 2014, 6 autres éléments devraient être rachetés à la région Nord-Pas de Calais (ce sont les seuls éléments qui existent en dehors de l'Ile de France), équipés pour circuler en Ile de France et transférés sur notre ligne
- pour remplacer les Z5300, le STIF a demandé à la SNCF de faire rouler des rames MI84 entreposées sans usage après leur retrait de la ligne A (il s'agit des rames à un seul niveau qui assurent encore des liaisons vers Cergy et Poissy, celles avec la face avant inclinée) sur l’axe Juvisy – Corbeil – Melun – Montereau, où des besoins de trains de capacité moyenne existent. Des travaux d'adaptation seront nécessaires dans les trains et/ou dans les gares. Mais encore une fois, leur nombre prévisionnel ne permet même pas d’envisager d’évolution du nombre de trains sur ce secteur.

Conséquence : la modification de desserte entrainera une dégradation de service pour la majorité des usagers de la ligne:
- la desserte mise en place en décembre 2013 pose à notre avis plus de questions qu’elle n’en résout :
> retour à 3 trains par quart d'heure en pointe au nord (terminus: Villiers, Goussainville et Orry / Creil), mais en desserte omnibus. Toute perturbation sur le RER B va de nouveau perturber le RER D par ricochet, et la question de la priorité des trains dans le tunnel se posera à nouveau.
> ajout d'arrêts supplémentaires à Maisons-Alfort - Alfortville (pour le train Malesherbes) et à Pompadour (pour l'omnibus Corbeil par Ris, en remplacement de Villeneuve-Prairie et pour le train Melun interconnecté) : ces ajouts concernent des trains déjà remplis, et ne sont pas faits à partir de nouvelles circulations
> mais aussi allongement des temps de parcours, pas uniquement justifiés par les arrêts supplémentaires et les modifications de signalisation !
Les aménagements réalisés à Goussainville, Corbeil, ...suffiront-ils à stabiliser l'irrégularité de la ligne, voire, soyons fous, à la diminuer ? On ne peut que nous le souhaiter, mais comme toutes les promesses d'amélioration de ces dernières années n'ont pas souvent été suivies d'effets, on attendra pour voir.

A plus long terme, de grandes évolutions semblent envisagées…..mais restent au conditionnel : elles n'ont pas dépassé le stade des études, et rien n’est financé

Les aménagements sur les infrastructures :

- du côté de Juvisy - Grigny, un projet existe pour ajouter 2 voies sur la partie commune aux itinéraires Plateau et Vallée (entre Juvisy et l'ancienne gare de Grigny-Val de Seine), mais cela ne verra pas le jour avant plusieurs années
- L’étude de l’ajout d’un deuxième quai à Pompadour a également été demandée par le STIF
- Doublement du tunnel : Une étude de faisabilité du doublement du tunnel Châtelet-Les Halles - Paris-Nord est en cours en ce debut 2013. Elle devra déterminer si techniquement ce doublement est envisageable. Pour le moment, seul un ordre de grandeur du montant des travaux éventuels est connu: 1,5 à 2 milliards d'euros. Ce ne sera donc pas uniquement une question de difficulté technique, mais bel et bien aussi une question de volonté politique !

Remplacement des trains ?

A plus long terme, mais là on se situe dans la prochaine décennie, il est envisagé de remplacer les trains à 2 niveaux Z2N actuels par de nouveaux matériels de la même série que celle qui équipera la ligne E prolongée vers Mantes-la-Jolie. Dans le cadre de ce prolongement de Haussmann-St Lazare à Mantes-la-Jolie, la ligne E sera en effet équipée de matériels à 2 niveaux de nouvelle génération. Actuellement, rien n'est connu de ce matériel, il n'existe pas. On sait tout juste ce qu'il est censé faire. Le planning prévoit la fabrication de ces rames entre 2017 et 2020 pour la ligne E. Une hypothèse envisagée consisterait à commander d'autres rames de ce modèle pour renouveler le parc de la ligne D à partir de 2020-2021, mais cela reste aujourd'hui une simple hypothèse.

Evolution de la desserte ?

A horizon de 10 à 15 ans, la ligne D pourrait être cependant différente de ce qu'elle est aujourd'hui. La SNCF a en effet imaginé un réseau Transilien futur composé de 2 réseaux complémentaires:
- un réseau à fréquences importantes (3 à 5 minutes en pointe) et à desserte omnibus pour les gares proches de Paris, avec des lignes traversant Paris
- un réseau à fréquences moins importantes (15 minutes en pointe) et à desserte express en petite couronne pour les gares plus éloignées de Paris, avec des lignes s'arrêtant dans les grandes gares parisiennes du réseau national.
Regardez un plan du réseau d'aujourd'hui, vous trouverez quelques indices de ce découpage:
- sur la banlieue Nord, une ligne B desservant, à compter de fin 2013, Aulnay toutes les 3 minutes, Roissy et Mitry toutes les 6 minutes, et une ligne K desservant les gares au-delà de Mitry
- sur la banlieue Est, une ligne RER E jusqu'à Chelles-Gournay et Tournan, et une ligne P au-delà.
- sur la banlieue Sud-Est, une ligne RER D jusqu'à Melun, et une ligne R au-delà.
Le schéma directeur de la ligne RER C envisage la sortie des missions Brétigny - Dourdan et Brétigny - Etampes de cette ligne C pour les faire desservir le tronçon Paris - Brétigny avec très peu d'arrêts et les faire terminer à Paris-Austerlitz Grandes Lignes.
Verra-t-on comme le projet de la SNCF le montrait il y a quelques mois une ligne D limitée à Survilliers - Paris-Nord - Paris-Gare de Lyon - Villeneuve-St-Georges - Melun ou Evry-Courcouronnes - Corbeil-Essonnes, et une ligne R qui s'enrichirait de liaisons semi-directes Paris-Gare de Lyon Grandes Lignes - Juvisy - Ris-Orangis - Corbeil-Essonnes - Melun ou La Ferté-Alais - Malesherbes ? Réponse peut-être d'ici la fin de la décennie.