Le 8 octobre dernier, la fin de la soirée a été marquée sur la ligne D par la panne d’un train, quelques centaines de mètres après la sortie du tunnel de la Gare de Lyon, puis par une série d’événements qui ont amené les voyageurs, partis de la Gare de Lyon à 23h38 (ZUCO à destination de Melun) ou 23h41 (RIPE à destination de Corbeil par le Plateau) à n’arriver chez eux qu’entre 3 heures et demie et 5 heures du matin.


Face à un tel dysfonctionnement (4 heures pour rallier Maisons-Alfort depuis la Gare de Lyon, les 2 gares étant distantes de 6,2 km), la Direction de la ligne D de la SNCF a décidé de contacter les voyageurs de ces 2 trains tant par distribution de tracts le lendemain de l’incident à la même heure que par avis sur la page d’accueil du site transilien.com, et de les réunir jeudi 22 octobre dans les locaux de la Direction de la ligne, à proximité de la Gare de Lyon.

Une dizaine de personnes étaient attendues, mais seulement 4 étaient présentes à la réunion. D’autres personnes n’ont pas eu la possibilité de venir, notamment à cause de leurs horaires de travail, ou n’ont pas souhaité de le faire, ressentant une grande résignation face aux incidents de la ligne D. SaDur était présent à cette réunion, nous vous en faisons le compte rendu.

 

Avant la réunion proprement dite, les 4 personnes présentes ont eu la possibilité de visiter rapidement les locaux du Centre Opérationnel Transilien (COT), le centre nerveux de la ligne où sont à la fois gérées les circulations des trains des lignes D et R (Paris – Melun – Montereau ou Montargis), les agents de conduite et les matériels assurant ces trains, mais aussi l’information des voyageurs circulant sur l’une ou l’autre des 2 lignes (notamment par la mise à jour des panneaux d’affichage des gares).

Au fond de la salle, se situe le studio de Radio Ligne D, actuellement disponible sur les gares entre Villiers-le-Bel et Vigneux. Dans la salle à proximité on trouve les régulateurs de Paris – Sud-Est en charge du tracé des circulations sur toute la banlieue sud-est (suivi des trains à l’heure ou en retard, définition des ordres de passage en cas de conflit de circulation,…)

 

La réunion a commencé juste après, avec la participation :

  • des 4 passagers présents, un passager du train de 23h38 (Yerres), un passager du train de 23h41  (Evry-Courcouronnes) et deux passagères du même train (Vigneux)
  • d’Alain Krakovitch, Directeur de la ligne D,
  • de Thierry Beaudic, Directeur Adjoint, Responsable de la Production, de la ligne D (la Production est tout ce qui concerne la circulation des trains),
  • d’un cadre de la Traction (la filière Traction est celle qui regroupe les conducteurs de trains),
  • d’un représentant de l’association SaDur.

Alain Krakovitch commence en présentant ses excuses, en tant que Directeur de la ligne D, et celles de la SNCF, face à un « événement totalement anormal ».


Les 4 voyageurs racontent leur nuit du 8 au 9 octobre
(une des passagères a tenu un journal de toutes ces heures d’attente minute après minute) :

  • un départ normal des 2 trains à leurs horaires respectifs, mais un arrêt très rapidement après la sortie du tunnel de la gare souterraine
  • un bon niveau d’informations sur les 60 à 90 premières minutes, puis plus rien
  • l’une des deux passagères a pu récupérer certaines informations en contactant un cheminot de Paris-Nord de ses connaissances. Celui-ci a pu lui donner des informations sur les manœuvres qui étaient probablement en cours et sur les temps d’attente probables.
  • un certain nombre de passagers ont actionné les signaux d’alarme et ont regagné peu à peu la gare souterraine en empruntant le tunnel. D’autres sont restés jusqu’à la fin de l’incident.
  • Une ambiance dans les voitures très variable : un des passagers signale que vu les circonstances, beaucoup de passagers de sa voiture ont fait connaissance, les 2 passagères signalent que dans leur voiture il n’y a pas eu de dialogue entre les passagers.
  • Il y avait dans certaines voitures des personnes sous l’emprise de l’alcool et/ou de la drogue, ce qui ne rassurait pas. Ce sont heureusement ces personnes qui ont pour la plupart quitté le train les premières
  • Certaines personnes qui avaient quitté l’un des deux trains ont pu regagner la gare et emprunter en gare de surface le train de 1h02 pour Corbeil. Lorsque le train est passé au niveau des trains en panne, ces personnes ont pu adresser un signe de la main à leurs anciens compagnons d’infortune…
  • A un moment, l’agent de conduite du train de 23h41 a annoncé que la rame allait repartir en gare souterraine. Il s’est déplacé en queue de train à cet effet, mais la manœuvre a finalement été annulée…
  • A un autre moment, des agents SNCF (avec leur gilet fluo) sont passées le long du train : ceux qui étaient dans le train ont commencé à espérer en se disant que leur attente touchait à sa fin. Mais rien n’a suivi.
  • C’est près de 3 heures après la panne que la résolution du problème a commencé à apparaître, les 2 trains avançant à nouveau vers le sud, mais à une vitesse d’escargot. La gare de Maisons-Alfort (à environ 5 km) n’a donc été atteinte que 4 heures après la panne.
  • Dans cette gare, une autre rame était prête pour assurer le transport des passagers vers Melun. Les passagers à destination de Corbeil ont été transbordés dans des autocars en gare de Villeneuve.
  • Un passager signale n’avoir vu que peu d’agents SNCF sur le terrain. Seule la police ferroviaire était bien présente à un moment…

 Le Directeur de la ligne D reprend ensuite la parole en faisant le récit des événements tels qu’ils se sont déroulés.

  • le train ZUCO de 23h38 a été victime d’une panne électronique : lorsque le conducteur de la rame tentait d’accélérer, le freinage se déclenchait.
  • Le train RIPE de 23h41 se trouvait derrière le ZUCO, à un endroit ne permettant plus le changement de voie
  • Le conducteur du ZUCO a tenté, conformément aux procédures, de réparer lui-même le train en utilisant le guide de dépannage mis à disposition. Au bout d’un quart d’heure environ, il a fait une demande de secours au COT (Centre Opérationnel Transilien), toujours conformément aux procédures.
  • Plusieurs solutions ont été envisagées :
    • Le transbordement des passagers des deux rames dans une troisième, solution jugée inapplicable vu la topographie des lieux
    • Le retour des 2 rames vers la gare souterraine. Cela impliquait 2 manœuvres à contre-sens successives, le train RIPE puis le train ZUCO. La solution a été éliminée car trop difficile à mettre en œuvre
    • L’évacuation des passagers a également été éliminé, également vu la complexité des lieux
  • C’est finalement une autre solution qui a été choisie, l’accouplement des 2 trains. La rame du train RIPE étant attelée à la rame en panne du train ZUCO, la 2e rame devait assurer la traction du train long ainsi constitué. Evidemment, les performances n’auraient pas été celles d’un train long ordinaire, cela aurait toutefois permis de dépanner les 2 rames.
  • Mais ce qui devait se passer ne s’est pas passé. Il n’a pas été possible d’atteler les 2 rames, en fait parce que l’endroit où aurait dû avoir lieu le raccordement correspondait à une rupture de pente de la voie.
  • Il ne restait plus qu’au 2e train à pousser le 1er à une très faible vitesse, inférieure à celle d’un homme au pas.
  • Il était 3 heures passées lorsque le convoi a atteint Maisons-Alfort – Alfortville. Les passagers ont été transbordés dans une autre rame positionnée sur le même quai, et la rame de secours a repris son trajet.
  • A Villeneuve, les passagers du RIPE pour Corbeil ont été pris en charge par des bus spéciaux, pendant que la rame poursuivait son chemin vers Melun (mission ZUCO).
  • Les voyageurs sont arrivés à destination autour de 4 h – 4 h 30 du matin.

 Le Directeur de la ligne D fait ensuite le bilan de ces quelques heures :

  • Premier point, la présence des voyageurs dans les 2 rames a été oubliée. Les opérations semblent n’avoir eu pour but que de remettre en état de marche la rame en panne.
  • Second point, les responsables cette nuit-là ont péché par excès d'optimisme. Dès lors que la manœuvre d’accouplement des 2 rames est décidée, elle ne peut que réussir. Personne n’envisagera donc de mettre un œuvre un autre plan en cas d’échec. Et pourtant l’accouplement n’a pas pu être réalisé. De la même façon, le cadre d’astreinte n’a été appelé qu’au bout de plus d’une heure et demie.

Puis, il détaille le plan d’actions qui sera désormais mis en place :


(1) Une analyse de la carte électronique défaillante sera faite. Il est important de savoir ce qui s’est passé car ce type de carte électronique est utilisé non seulement sur toutes les automotrices Z20500 de la ligne D et de certaines autres lignes de la région, mais aussi sur d’autres séries d’automotrices du réseau Ile de France depuis une trentaine d’années. Il faut évaluer le risque de reproduction d’une telle panne.

(2) Un service de hotline technique dédié aux conducteurs de la région Ile de France, le PACT (Pôle d’Appui Conducteurs Transilien), a été créé il y a quelques années. Il regroupe un certain nombre de conducteurs chevronnés, connaissant très bien les divers types de matériel et les méthodes de dépannage les concernant.
Puisqu’un certain nombre de conducteurs sont capables d’isoler, en dépannage, un essieu pour éviter un freinage intempestif, il est probable que parmi les personnels du PACT, quelqu’un aurait été capable d’expliquer à l’agent de conduite la manœuvre permettant le dépannage.
Problème : le PACT n’est ouvert que de 5 heures à 23 heures. Il ne pouvait donc pas être d’un grand secours à 23h30 passées.
L’objectif est donc d’étendre l’ouverture de ce PACT jusqu’à la circulation du dernier train.

 

(3) La demande de secours, après un quart d’heure de panne sans dépannage, sera désormais accompagnée du lancement des procédures lourdes de prise en charge

  1. Mobilisation de toutes les astreintes (traction, information voyageurs, …)
  2. lancement de la commande des bus
  3. Information des services de secours et sécurité (sapeurs-pompiers, …)

(4)   Enfin puisque le conducteur n’est en mesure de communiquer avec les voyageurs que s’il se trouve en cabine de conduite, il est étudié une possibilité d’information des passagers d’un train depuis un point fixe, par exemple le COT, en utilisant la sonorisation habituelle du train. Cette procédure pourrait être mise en place en 2010.

 

En conclusion, Alain Krakovitch rappelle que ce type d’incident a au moins l’avantage d’améliorer la prise en charge lors d’un incident grave :

  • La disponibilité des 5 bus mis à disposition des voyageurs à destination de Corbeil en gare de Villeneuve est une conséquence d’un incident survenu en 2006 dans le nord de Paris sur la ligne B, incident pendant lequel des voyageurs étaient restés en gare pendant une bonne partie de la nuit. Depuis cette époque, 5 bus sont positionnés toutes les nuits aux abords du Stade de France et dirigés là où il le faut en cas d’incident grave.
  • Les incidents survenus la semaine suivante à Vert-de-Maisons ou à Vigneux ont eux traités plus rapidement. Les voyageurs de la rame en panne à Vigneux (à 1 km de la gare) le jeudi 15 octobre au matin ont été entièrement évacués en moins de 2 heures.
  • Tous les incidents à venir où que ce soit sur le réseau Transilien verront l’application de la consigne de lancement de la prise en charge des passagers au bout d’une panne de 15 minutes non réparée.

 

La dernière partie de la réunion est consacrée aux questions-réponses.

 

Q : pourquoi ne pas intégrer maintenant cette panne et la procédure permettant le dépannage dans le guide de dépannage rapide mis à la disposition des conducteurs ?

 

R : parce que l’objectif est de garder un guide de dépannage utilisable, donc de taille limitée. Cette panne ne s’étant maintenant produite qu’une seule fois, sa présence dans le guide ne paraît pas s’imposer actuellement.

 

Q : aurions-nous pu appeler les Pompiers ?

 

R : tout est possible… Les Pompiers auraient alors appelé la SNCF, ne serait-ce que pour avoir la localisation exacte du train (les passagers surtout la nuit ne sont pas nécessairement en mesure de situer précisément le train, notamment vis-à-vis des accès de secours aux voies). Cela aurait pu peut-être permettre d’accélérer la prise en charge des voyageurs, en rappelant leur présence aux opérateurs

 

Q : que se serait-il passé avec une rame équipée d’une borne d’appel embarquée (note : il y a actuellement une rame prototype équipée) ?

 

R : les appels auraient abouti à un centre d’appel SNCF dédié. Ce centre aurait alors pris contact avec le COT. Là aussi, cela aurait peut-être permis de mettre l’accent sur la prise en charge des voyageurs. Le futur numéro d'appel d'urgence donnera accès au même centre d'appel SNCF.

 

D’autres questions sur des sujets variés relatifs à la ligne ont également été posées (par exemple, sur la présence de trains petits-gris à Vigneux vers 9 heures le matin - promesse a été faite par Alain Krakovitch de faire disparaître les petits-gris de la gare de Vigneux sois 18 mois -  ou sur l’affichage « GL » sur les tableaux d’affichage de Gare de Lyon - une indication des numéros de voie, y compris GL, va être indiquée sur les écrans TFT).

 

Après environ 2 heures, la réunion touche à sa fin. Alain Krakovitch et le personnel d'encadrement de la ligne D remercient les personnes qui ont pris de leur temps pour témoigner et discuter. Les passagers des 2 trains de cette nuit du 8 au 9 octobre remercient leurs interlocuteurs de leur accueil et du temps passé aux explications et aux réponses à leurs interrogations.